Alors que vient de se mettre en place la résiliation à tout moment de l'assurance santé complémentaire, les organismes commencent à annoncer des augmentations de cotisations notables pour l'année 2021. Ceci expliquerait-il cela ? La crainte que les clients ne fassent jouer leur nouveau droit à résiliation a sans doute motivé cette future inflation, mais elle n'est pas la seule raison qui pèse sur la politique tarifaire.
Pas de répit pour les tarifs des mutuelles
Les assurés devront une nouvelle fois faire face à la hausse des tarifs en complémentaire santé. Selon la Mutualité Française, organisation professionnelle qui représente la quasi-totalité des mutuelles, les primes devraient augmenter en moyenne entre 1,5% et 2,5% en 2021, soit une inflation identique à celle des années précédentes. Pour Facts & Figures, cabinet de conseil en stratégie spécialisé sur le secteur de l'assurance, cela risque d'être plus douloureux avec des estimations allant jusqu'à 5% (hors inflation liée à l'âge).
Les assurés éprouveront diversement ces moyennes, puisqu'en matière de tarifs des complémentaires santé l'âge est bien évidemment le paramètre central. Toujours d'après les estimations de la Mutualité Française, un senior doit débourser en moyenne entre 1 200€ et 1400€ par an contre 500€ à 600€ pour un jeune. La zone géographique a également une incidence prépondérante dans la tarification, car décidée aussi en fonction des prix pratiqués à tel endroit par les professionnels de santé. Là où on ne peut consulter sans échapper aux dépassements d'honoraires, les assurés paient plus cher leur complémentaire santé.
Grâce au droit leur permettant de résilier leur mutuelle à tout moment et sans frais après une année d’engagement, entré en vigueur le 1er décembre dernier, les assurés pourront minimiser l’impact de ces hausses tarifaires. En faisant jouer la concurrence, il est possible d’économiser entre 20% et 40% sur sa cotisation annuelle.
Les mutuelles face à la crise sanitaire
Albert Lautman, directeur général de la Mutualité Française, explique que ces "hausses tarifaires sont grandement liées à l'augmentation de 2% par an des dépenses de santé". Il oublie qu'en cette année particulière, marquée par une crise sanitaire sans précédent, les dépenses de santé explosent. Selon les chiffres de la Sécurité Sociale, la hausse de l'Ondam (Objectif national des dépenses d'assurance maladie) devrait atteindre 7,6% en 2020 contre 2,45% budgétés dans le projet de loi de financement de la Sécu initial, voté fin 2019.
Le dernier avis du comité d'alerte sur les dépenses d'assurance maladie évalue à 15,1 milliards d'euros les surcoûts exceptionnels pour faire face à la pandémie de Covid-19, partiellement compensés par une sous-consommation des soins de ville (4,5 Md€), en raison des restrictions de déplacement, sans qu'il y ait eu de rattrapage post-confinement. Le coût de l'épidémie dépassera donc les 10 Md€ cette année. Le déficit de la Sécu se creuse davantage (44,4 Md€), et sera durablement plombé par la crise sanitaire.
Moins de soins de ville consommés en 2020
Cette crise aurait pourtant profité aux comptes des organismes de santé complémentaire. La moindre consommation des soins de ville qui vient d'être évoquée leur aurait permis d'économiser 2,2 Md€ de prestations d’après les calculs du gouvernement, une somme rondelette qui disparaît en grande partie via la contribution exceptionnelle des assureurs complémentaires, dite "taxe Covid", soit 1,5 Md€ au bénéfice de l'Assurance Maladie. Cette contribution sera étalée sur l'exercice 2020 (1 Md€) et sur l'année 2021 (500 md€) par un taux spécifique sur l'assiette de la taxe CSS (Complémentaire Santé Solidaire, ex-taxe CMU).
Les complémentaires ont été priées de ne pas répercuter cette nouvelle taxe sur leurs tarifs, une mission qu'ils jugent contradictoire avec le maintien des prestations, alors qu'elles doivent absorber depuis 2019 les coûts de la mise en place de la réforme 100%. Cette victimisation renvoie aux conclusions de la dernière enquête de l'association UFC-Que Choisir sur le taux de redistribution affiché par les plus grands organismes de santé complémentaire du marché. Avec une moyenne de 76,2% (67,3% taxes comprises), il semble encore possible de faire des efforts sur la marge technique.
Les mutuelles face à la portabilité des contrats
À leur décharge, la crise sanitaire et économique aura bien un impact majeur sur l'équilibre financier des complémentaires santé. En vertu de la portabilité des droits, un salarié qui perd son emploi peut continuer à bénéficier gratuitement des garanties de frais de santé souscrites collectivement au sein de l'entreprise, dans la limite de la durée de son dernier contrat de travail, sans dépasser 12 mois. Le coût de la portabilité de la complémentaire santé est mutualisé au sein de l'entreprise, entre les salariés actifs et l'employeur. Avec un chômage qui risque de s'envoler à 11% en 2021 selon les prévisions de la Banque de France, le dispositif sera sans aucun doute largement sollicité.
Les organismes constatent déjà des demandes de report de paiement de cotisations émanant d'entreprises en difficultés et craignent dans les mois à venir de plus en plus d'impayés. Les paritaires de la branche HCR (Hôtels, Cafés et Restaurants) ont déjà exempté de cotisations santé et prévoyance pour le second trimestre les commerces adhérant au régime collectif. Selon le rapport 2019 de la Drees, les contrats collectifs de santé complémentaire sont "techniquement en moyenne déficitaires" depuis 2011 (autour de 3,4% en 2018). La crise actuelle et ses conséquences sur la vie des entreprises vont creuser le phénomène et pénaliser le dernier maillon de la chaîne : l'assuré.