C'est un des effets délétères de la crise économique : un peu plus de 3 ménages détenteurs d'un crédit immobilier sur 10 peinent à le rembourser, un taux en nette hausse selon une étude réalisée par Meelo, un spécialiste de la dette financière. Un nombre croissant de locataires est également pénalisé par le contexte dégradé. Ce constat accablant va sans doute conforter la position des autorités financières à maintenir un encadrement strict du crédit.
32% de propriétaires emprunteurs en souffrance
Selon un baromètre réalisé en septembre dernier par Diffusis France pour le compte de Meelo, une start-up française spécialiste de la data financière, près d’un tiers des personnes détentrices d'un crédit immobilier ne sont plus en capacité de rembourser leur emprunt, et 17% indiquent que cela sera bientôt compliqué de faire face à leurs mensualités.
Les auteurs de cette enquête ont également interrogé un panel de locataires. Les conséquences économiques de la crise sanitaire les frappent eux aussi, sans surprise est-on tenté de dire, puisque les ménages qui louent leur logement sont parmi les plus modestes de la population. 16% indiquent avoir des difficultés à assumer leur loyer en cette période de rentrée et 21% déclarent que cela sera difficile dans un avenir proche.
En comparant ces chiffres avec ceux issus de la même enquête menée en avril dernier, on mesure l'ampleur et la sévérité de la crise économique qui commence tout juste à frapper les Français. À l'époque, 17% des propriétaires et 6% des locataires déclaraient rencontrer des problèmes pour rembourser leur dette immobilière ou payer leur loyer, soit 2 à 3 fois plus de ménages qui peinent à endosser les charges de leur logement.
Risque accru de surendettement
Dans cette enquête sur le pouvoir d'achat des Français suite à la crise sanitaire, Meelo révèle qu'un quart des personnes sondées envisage de recourir à un prêt bancaire pour couvrir les dépenses de la rentrée, chiffre là aussi en hausse par rapport au dernier baromètre où seuls 2% des répondants déclaraient devoir souscrire un prêt en cas de baisse de leur pouvoir d'achat. Pour 47% d'entre elles, le crédit à la consommation ne dépasserait pas 1 000€. Moins de 10% des futurs emprunteurs déclarent avoir besoin d'un financement supérieur à 5 000€.
Le paiement fractionné d’un achat en magasin ou en ligne est plébiscité, car il permet d'augmenter le pouvoir d'achat (près de 50% des sondés), d'accéder à des achats plus coûteux (près de 20%) ou, plus surprenant, parce qu'il donne le sentiment de dépenser moins (14,3%). Pour 7% des répondants, ce type de règlement permet d'optimiser son budget mensuel.
Le regroupement de crédits est une solution envisagée par 25,4% des personnes interrogées pour faire baisser le poids mensuel de la dette et éviter de passer par la case surendettement, un phénomène qui devrait malheureusement toucher certains d'entre eux. 7% des répondants pensent devoir déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France, un pourcentage lui aussi en hausse par rapport à l'enquête d'avril dernier (2,1%).
Maintien des conditions d'octroi
Ces chiffres qui font état des difficultés financières accrues pour les ménages français vont inévitablement affermir la position des autorités de régulation quant au maintien d'un encadrement rigoureux du crédit immobilier. Les banques ne sont guère enclines à faciliter l'accès au prêt à l'habitat aux candidats les plus fragiles pour éviter au maximum les risques de défaut de paiement. Si le taux d'encours de dettes immobilières en défaut reste minime dans notre pays (autour de 1%), la crainte d'un endettement excessif des ménages pèse sur la production de crédits immobiliers.
Entre 2019 et août 2020, le nombre de demandes de prêt refusées a doublé, passant de 5,5% à près de 11%. Il en résulte un recentrage du crédit sur les clientèles les plus aisées, celles dont le dossier de financement respecte les critères d'octroi (taux d'endettement au plus à 33% et durée de remboursement limitée à 25 ans).
Édictées en décembre 2019 par le Haut Conseil de Stabilité Financière, le gendarme de la banque et de l'assurance, ces nouvelles conditions d'octroi des prêts immobiliers aux particuliers ont peu de chance d'être assouplies en vertu d'une crise sanitaire et économique qui n'en est qu'à ses prémices. Le 17 septembre dernier, le régulateur a conforté sa décision d'encadrer strictement le crédit immobilier, au grand dam des courtiers, des professionnels de l'immobilier et plus récemment de certaines banques, qui en appellent à une plus grande flexibilité par la prise en compte du reste à vivre, un paramètre aussi pertinent si ce n'est plus que le taux d'endettement, fâcheusement ignoré du HCSF dans ses critères d'octroi des crédits immobiliers.