Les crédits immobiliers aux particuliers sont soumis aux taux de l'usure, les taux légaux que les banques ne doivent pas dépasser pour accorder le financement. En tant que structure juridique constituée afin de gérer un ou plusieurs biens immobiliers, une SCI ou Société Civile Immobilière ne permet pas d'être protégé par les taux usuraires. Les associés d'une SCI l'ont récemment appris à leurs dépens. Explications.
SCI : la qualité de consommateur disparaît
Début septembre 2021, la Cour de cassation a jugé infondée la plainte des associés d'une SCI qui jugeaient trop élevé le taux de crédit obtenu pour financer l'achat d'un bien immobilier via cette structure. Leur SCI ayant été créée pour gérer des biens personnels, ils réclamaient à la banque prêteuse le remboursement des intérêts perçus au motif que le taux d'emprunt excédait le taux d'usure applicable aux crédits immobiliers aux particuliers.
La Cour* a rappelé que les crédits immobiliers octroyés à une SCI entrent dans le champ des prêts aux personnes morales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale. À ce titre, le taux de l'usure s'applique uniquement sur les découverts en compte, soit un taux très supérieur aux taux légaux relatifs aux prêts immobiliers accordés aux ménages. Pour le troisième trimestre 2021, le taux d’usure pour les découverts bancaires des personnes physiques ou morales est fixé à 15,09%, tandis que les taux maximum applicables aux crédits immobiliers aux particuliers oscillent entre 2,47% et 2,93% selon le type de prêt (taux fixe ou variable, prêt relais) et la durée d’emprunt. En l’occurrence pour un crédit immobilier souscrit par une SCI, l’octroi du financement bancaire n’est pas assujetti à un seuil légal du taux d’emprunt.
Pour mémoire, les taux d’usure sont définis chaque trimestre par la Banque de France et calculés sur la base des moyennes des prêts accordés le trimestre précédent, augmentées d’un tiers.
Les associés se considéraient comme des consommateurs, car la SCI avait été constituée dans le but de gérer des biens personnels, et ils pensaient à tort que la législation relative aux taux usuraires des crédits immobiliers pouvaient s'appliquer dans leur situation. Or, en tant qu'associés d'une SCI, même à vocation familiale, ils ont abandonné leur qualité de consommateurs.
La jurisprudence a déjà montré à diverses reprises que la définition de consommateur ne s'applique pas aux SCI et que ces dernières ne peuvent prétendre à la protection prévue par le code de la consommation. Un consommateur est obligatoirement une personne physique agissant à titre personnel. Une SCI officiellement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, qu’elle soit familiale ou non, n’est pas assimilable à un consommateur.
SCI et crédit immobilier
Les SCI sont réglementées par les dispositions communes à toutes les sociétés, fixées par les articles 1832 et suivants du code civil, ainsi que par les articles 1845 et suivants. En tant que forme de société civile, une SCI ne peut exercer d'activité commerciale. Elle est constituée dans le but d'acquérir, de posséder et de gérer des biens immobiliers. Si elle acquiert des biens en vue de les revendre, la SCI peut être requalifiée en marchand de biens, ce qui entraîne l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et non plus à l’impôt sur le revenu entre les mains des associés.
Constituée d'au moins deux personnes, un gérant et un associé, la SCI permet à plusieurs personnes de se partager la propriété d'un ou plusieurs biens immobiliers. Elle est généralement utilisée pour organiser une succession, écarter l'application des règles de l'indivision et transmettre un patrimoine aux héritiers tout en diminuant le montant des droits de donation ou de succession.
Pour devenir associé, la personne doit faire un apport à la société, par un ou plusieurs biens immobiliers, ou avec de l’argent. Les gérants et associés sont indéfiniment redevables des dettes de la SCI en cas de déficit.
La SCI étant une personne morale et non une personne physique, elle ne peut bénéficier de prêts aidés destinés aux particuliers comme le PTZ pour l'acquisition de la résidence principale. Il n'existe pas de prêt spécifique pour les SCI et les banques n'accordent pas de conditions particulières aux SCI : les règles de solvabilité et d'endettement s'appliquent à chacun des associés, et une garantie (hypothèque ou caution) est réclamée comme pour un achat immobilier en direct.
La banque va toutefois exiger des précautions supplémentaires, car la SCI n'existe que par ses associés. Chaque associé disposant de ressources se porte caution solidaire du ou des prêts consentis à la SCI. Chacun s'engage à honorer le crédit sur ses biens personnels.
Et comme pour tout crédit immobilier, le prêt accordé à la SCI doit être couvert par une assurance emprunteur. La distinction est que le contrat n’est pas souscrit au nom de la SCI mais des associés, étant donné que les risques de décès-invalidité garantis se rapportent à des personnes physiques. Les quotités d'assurance sont définies généralement en fonction des revenus respectifs des associés.
*Cass. Civ 1, 8.9.2021, B 20-18.642