Depuis deux ans, le marché immobilier français subit de plein fouet la hausse des taux d’intérêts et le recul trop timide des prix des logements. Couplée aux contraintes réglementaires, cette situation engendre une chute drastique des crédits distribués. Le secteur montre pourtant les premiers signes d’un regain d’activité, en lien avec la baisse des taux et l'appétit éternel des Français pour la pierre. Les primo-accédants font timidement leur retour à la faveur d'une plus grande souplesse des banques.
Marché immobilier : toujours à la peine en 2024
Après des années euphoriques, le nombre de transactions immobilières a chuté sous la barre du million en 2023, à quelque 885 000 ventes dans l’ancien, soit un record historique de baisse sur un an à -21%. En cause, la hausse vertigineuse des taux d’intérêts : de 1% en moyenne sur 20 ans, le taux nominal a bondi à 4,50% fin 2023 (hors assurance emprunteur et coût des sûretés). Le pouvoir d’achat immobilier s’est fortement érodé par le renchérissement du crédit bancaire, impacté indirectement par la hausse des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne.
Norme d’octroi et taux en hausse : frein à l’accès au crédit immobilier
Est venue s’ajouter la norme d’octroi du HCSF qui limite le taux d’endettement à 35% des revenus nets et la durée de remboursement à 25 ans (sauf exception dans le neuf et l’ancien avec travaux où elle peut aller jusqu’à 27 ans). Cela a eu pour incidence de pousser l’exigence des banques en matière d’apport personnel, cette augmentation ayant eu un effet dépressif important sur la demande.
Le faible repli des prix immobiliers dans l’ancien (-4% sur un an) n’a alors pas permis de resolvabiliser les candidats à l’emprunt ni de compenser l’envolée des taux. Résultat, la production de crédits immobiliers a dégringolé de 40% en un an par l’effet conjugué du niveau élevé des taux, de la réglementation trop stricte et d’un contexte anxiogène sur fond de guerre en Ukraine.
Conditions de crédit plus favorables en 2024
L’année 2024 débute sur de meilleurs auspices avec le recul graduel des taux d’intérêts en lien avec la maîtrise de l’inflation. En juillet dernier, ils ont atteint 3,62% de moyenne toutes durées confondues (chiffres Observatoire Crédit Logement/CSA), soit le niveau de juillet 2023. La production trimestrielle de nouveaux crédits affiche une progression spectaculaire de +28,9% en glissement annuel, avec un bond de +57,1% en nombre de prêts accordés.
Mais en comparaison annuelle, les chiffres restent dans le rouge, à -19,1% pour la production de crédits et -3,3% pour le nombre de financements. Autre indicateur marquant d’un marché en souffrance : selon les chiffres de la Banque de France, le volume de nouveaux prêts immobiliers accordés au cours du premier semestre 2024 s’est effondré, avec un total de 47,3 milliards d’euros, en baisse de -36 % par rapport à l’année précédente.
Les signes réels d’une reprise du marché immobilier
Le faible rétablissement du marché immobilier ces dernières semaines est pourtant une réalité, même si ce léger regain d’activité n’a pas effacé toutes les conséquences de la récession passée. Le niveau de l’apport personnel reste très élevé (entre 20% et 30% du coût d’une opération) et traduit la prévalence sur le marché de ménages plus aisés, souvent des secundo-accédants avec revente qui peuvent ainsi répondre plus facilement aux contraintes réglementaires sur le taux d’effort (max. 35%, assurance emprunteur comprise).
Dans un article des Échos paru aujourd'hui, le secteur anticipe un redressement spectaculaire de la demande à la rentrée, selon l'enquête réalisée chaque trimestre par la Banque de France sur la distribution des crédits. Ce pronostic favorable est à mettre au compte de l'amélioration des conditions d'emprunt.
Baisse continue des taux en 2024
Les agences immobilières témoignent de la reprise de l’activité dans la plupart des régions, en particulier grâce à la baisse des taux (autour de 3,70% en moyenne sur 20 ans), mais aussi à une plus large acceptation des vendeurs de revoir leurs prétentions (marges de négociation entre 5% et 20% selon l’ancienneté de la mise en vente et le DPE). La capacité d’emprunt est toujours en retrait, inférieure de 11% à son niveau de décembre 2022 et d’environ 20% par rapport à décembre 2021. L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives a néanmoins engendré un retour à l’attentisme début juin.
La bonne nouvelle, c’est que les conditions d’octroi ne sont plus un frein à la relance du marché. Les banques ont la volonté de prêter depuis le début de l’année et les prix des logements continuent leur lente érosion (-5,2% sur un an au premier trimestre 2024), même si leur niveau reste un frein pour les ménages modestes. Selon la Banque de France, les établissements de crédit piochent désormais plus largement dans la marge de flexibilité autorisée par le Haut Conseil de Stabilité Financière.
Retour timide des primo-accédants
Les banques ont en effet à leur disposition une enveloppe de 20% de leur production semestrielle de financements immobiliers qu’elles peuvent consacrer à des crédits hors norme. Cette facilité concerne en grande majorité les primo-accédants et ceux qui achètent leur résidence principale.
Si elle reste nettement en-deçà du plafond de 20%, l’utilisation de cette marge de flexibilité est passée de 14,3% au troisième trimestre 2023 à 15,6% en juin dernier. Un emploi optimal de ce dispositif permettrait de financer davantage de projets de primo-accédants, qui représentent aujourd’hui environ la moitié des prêts immobiliers distribués par les banques.
Les observateurs, notaires en tête, tablent sur un volume de ventes dans l’ancien autour de 800 000 opérations fin 2024, soit une nouvelle baisse annuelle, toutefois moins marquée que celle de 2023. La reprise est donc toute relative et restera loin des années fastes à plus de 1 million de transactions.