La semaine dernière, l'Assemblée Nationale a adopté le volet "Se loger" du projet de loi Climat et Résilience, un ensemble de plusieurs mesures destinées à éradiquer les passoires thermiques. Les propriétaires bailleurs sont invités à rénover leurs logements énergivores sous peine d'être frappés d'interdiction de location. Selon une étude de l'Unpi, ils seraient peu nombreux à vouloir engager des travaux pour continuer à louer selon les nouvelles normes.
Interdiction de louer des logements énergivores
Le projet de loi Climat et Résilience, dont le débat se poursuit à l'Assemblée Nationale, contient divers articles visant la rénovation énergétique des bâtiments, qui ont déjà été adoptés par les députés le 12 avril dernier. À compter de 2028, s'appliquera l'interdiction de location des logements classés F et G sur l'échelle du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), interdiction qui commencera dès 2025 pour les biens locatifs classés G.
1,7 million de logements dits énergivores (très ou extrêmement consommateurs d'énergie selon la définition de la loi) sont actuellement loués dans le parc locatif privé. S'ils ne sont pas mis aux normes environnementales à l'horizon 2028, ces logements sortiront du parc locatif.
En 2034, ce sera au tour des logements classés E d'être interdits à la location, soit 25% du parc locatif. Au total, la contrainte de rénovation étalée sur 12 ans concerne la moitié du parc privé, un objectif inatteignable avec des obligations irréalisables selon l'Unpi (Union nationale des propriétaires immobiliers). Ces mesures doivent encore obtenir l'aval des sénateurs pour achever leur parcours législatif, ce qui devrait être une formalité.
Rénovation thermique : peu de bailleurs respecteront la loi
Les futures contraintes imposées aux bailleurs ne font guère consensus. Dans une enquête menée auprès de ses adhérents qu'elle publiera fin avril, l'Unpi chiffre à moins de 30% la proportion des propriétaires bailleurs prêts à se mettre en conformité avec les nouvelles normes. Dans le détail, 12% envisagent d'engager des travaux au plus vite et 17% uniquement quand l'interdiction de louer un logement non conforme sera en place.
41% des bailleurs se disent non concernés par la nouvelle réglementation et 9% déclarent qu'ils continueront à louer sans rénovation préalable. Faute de pouvoir rénover leur bien, 13% envisagent de le vendre et 7% préféreront le laisser vacant.
Si les 1,7 million de logements classés F et G ne sont pas rénovés à échéance, ce sont autant de foyers qui n'auront plus de résidence principale.
Rénovation du parc locatif privé : un objectif nécessaire mais trop ambitieux
Dans un communiqué en date du 12 avril, si elle se déclare convaincue de la nécessité de rénover les logements proposés à la location, l'Unpi estime que le projet porté par la loi Climat et Résilience est trop ambitieux, surdimensionné par rapport aux moyens qui lui sont attribués. La rénovation du parc locatif privé a pris un réel retard, mais jusqu’à présent les bailleurs ont été exclus des aides à la rénovation auxquelles ont droit les propriétaires occupants. Rappelons que les logements loués ne seront éligibles à MaPrimRénov, principale aide à la rénovation, qu'à partir de juillet 2021. Or, près des trois quarts de logements G et 70% des logements E sont situés en appartements, donc très probablement en copropriété.
L'article 44 du projet de loi Climat oblige les copropriétés de plus de 15 ans à prévoir un plan pluriannuel de travaux sur 10 ans, de le chiffrer et de provisionner chaque année les fonds nécessaires à cette rénovation. Cette mesure entrera en vigueur en janvier 2023 pour les copropriétés comprenant plus de 200 lots à usage de logements, bureaux ou commerces, en janvier 2024 pour celles comprenant au plus 50 lots, et en janvier 2025 pour celles comptant au plus 50 lots.
L'Unpi a fait le calcul : il faudrait 56 milliards d'euros pour amener les logements classés E, F et G à un classement D, et pas moins de 88 milliards d'€ pour atteindre la norme BBC (Bâtiment Basse Consommation). Rénover un logement G coûte entre 22 000€ et 40 000€ selon le niveau de performance énergétique (D à BBC). L'enveloppe de 1,7 milliard d'€ consacrée cette année au budget de MaPrimRénov paraît dérisoire ; il faudrait a minima qu'elle soit triplée.
L'Unpi demande un meilleur accompagnement des propriétaires bailleurs, en créant notamment des conditions fiscales leur permettant de garantir leurs capacités financières d'engager une rénovation dans les normes. Sous peine de les voir renoncer à entreprendre les travaux qu’ils jugent inaccessibles, quitte à se mettre hors la loi, comme l'indique l'enquête de l'Unpi.