Le confinement durant deux longs mois, bien mal vécu par certains citadins, a modifié le regard des Français sur leur logement. Le désir d'un habitat plus grand, plus confortable et doté d'un accès extérieur, s'est amplement exprimé au travers des visites sur les sites d'annonces immobilières. Quitter la grande ville, en particulier Paris, pour s'installer à la campagne est la nouvelle légende urbaine que les médias ont abondamment relayée. L'Insee remet les choses dans leur contexte, chiffres à l'appui, corroborés par les professionnels de l'immobilier.
Supporter le confinement hors de Paris
Durant le confinement, quelque 200 000 Parisiens intra-muros, soit 11% des résidents parisiens, ont fui la capitale pour trouver refuge ailleurs, notamment en zones rurales ou sur les bords de mer. Un exode que les habitants de ces régions n'ont pas manqué de leur reprocher. Ces citadins, lassés de la métropole, de son rythme frénétique et de la cherté des loyers et de l'immobilier, ont-ils franchi le pas ? S'installer hors de Paris pour vivre plus sereinement ? Le tableau idyllique de ce goût nouveau pour la ruralité ne serait-il pas une chimère ? Si les données du recensement ne parlent pas encore, l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) remet les choses en perspective pour calmer le débat.
Qui part ? Qui vient ?
L'institut se base sur les chiffres du recensement de l'année 2017. L'analyse des mouvements migratoires de la capitale vers d'autres départements indique que 128 000 Parisiens ont quitté la capitale en 2017, tandis que 95 000 personnes s'y installaient. Ceux qui sont partis de Paris ne sont pas nécessairement allés très loin. Près de 56% sont restés en Île-de-France, certains même dans l'agglomération parisienne. Ce sont avant tout des jeunes qui se mettent en couple et cherchent un logement plus grand en périphérie. Une majorité travaillant à Paris, la proximité avec la capitale reste prioritaire dans le choix de s'installer ailleurs.
Ceux qui partent plus loin (44,5%) rejoignent pour moitié les grandes métropoles régionales (Bordeaux, Lyon, Nantes) et pour l'autre moitié les villes moins densément peuplées. On est donc loin d'un exode des citadins pour la campagne. La notion de campagne n'est pas tout ce qui se trouve au-delà du périphérique parisien !
Les seniors sont les plus nombreux parmi ceux qui choisissent la longue distance. 60% déménagent hors d'Île-de-France (IdF), essentiellement dans les régions littorales, et pour un quart dans un établissement adapté pour personnes âgées (EHPAD ou maison de retraite).
Retour en région
Au total, 231 000 personnes ont quitté l'IdF en 2017 pour s'installer dans une autre région française. Et parmi elles, 50% n'étaient pas de "vrais Parisiens", c'est-à-dire qu'elles étaient nées ailleurs. Il s'agit le plus souvent de couples avec enfants qui reprennent le chemin inverse après être venus en IdF pour les études ou le travail. Les arrivées sur l'IdF sont majoritairement le fait de jeunes adultes (formation, études, premier emploi) qui repartent en province quelques années plus tard.
Pour autant, le déficit migratoire de l'IdF est à relativiser. Le solde est même positif en termes d'actifs avec un emploi. 25% des actifs ayant quitté l'IdF pour une autre région ont conservé leur travail en IdF. La majorité d'entre eux habite dans les 8 départements limitrophes comme l'Eure-et-Loire ou l'Oise. Entre 2012 et 2017, Paris a perdu 11 000 habitants par an, quand la population francilienne en gagnait 55 000 chaque année sous l'effet d'un solde naturel (différence entre le nombre de naissances vivantes et le nombre de décès), le plus élevé des régions européennes, qui contribue à faire augmenter la population de 0,9% en moyenne annuelle.
Un exode urbain fantasmé
L'idée d'un exode des Parisiens vers la campagne après le confinement a pourtant fait son chemin. Les affres du confinement ont encouragé un désamour pour les centres urbains et beaucoup s'attendaient au départ de familles entières, déçues par leur vie parisienne, parties s'installer dans un cadre plus calme et plus verdoyant. Selon une étude du réseau d'agences immobilières Century 21 réalisée après le confinement, le marché de l'immobilier a certes été bouleversé par la crise sanitaire, mais pour des raisons liées au contexte économique. Si la demande s'est révélée très forte, comme en témoigne l'afflux sur le site, les ventes sont en retrait de 27,6% par rapport à l'an dernier.
L'envie de quitter Paris pour s'installer en campagne ou sur le littoral a fait long feu, rattrapée par la réalité de l'emploi. Si des régions comme la Bretagne, la Normandie, le bassin d'Arcachon ou l'Aisne ont fait l'objet d'un attrait particulier, l'arrivée des Parisiens reste marginale. Intention n'est pas action, comme le rappelle Century 21. Quitter Paris s'avère plus compliqué qu'il n'y paraît.
Non seulement la superficie moyenne des logements acquis n'est pas évoluée après le confinement, mais l'achat de maisons de campagne, qui suscitait une recrudescence des requêtes de la part d'internautes souhaitant acheter une résidence secondaire, stagne toujours autour de 4% des acquisitions. Il est néanmoins encore trop tôt pour mesurer les conséquences de la crise sanitaire sur l'immobilier. Dans un environnement de faibles taux d'emprunt, seul soutien à la demande, le marché de l'ancien devrait se montrer résilient.
source Insee et Century 21