Les acteurs du bâtiment sont dans le collimateur de Bercy. Une enquête de la Répression des fraudes sur les contrats de construction des maisons révèle que 55% des professionnels ne respectent pas la réglementation. Alors que la maison individuelle est plébiscitée par une immense majorité de Français, les pratiques indélicates de certains jettent l'opprobre sur la profession. Il est vrai que la complexité et l'ampleur des normes engendrent erreurs, anomalies et défaut d'information.
55% des constructeurs dans l'illégalité
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), administration qui dépend du ministère de l'Économie, a passé au crible les contrats de construction de maisons individuelles de quelque 285 entreprises dans 15 régions dont 2 outre-mer. Un vaste contrôle qui a eu lieu en 2019 et qui a nécessité pas moins de 461 visites. 158 entreprises ne respectent pas la réglementation, soit 55%, un taux légèrement inférieur au contrôle précédent (57%) et une certaine stabilité sur les quatre dernières années.
L'enquête révèle un niveau toujours élevé d'anomalies et selon la gravité des constats, les enquêteurs ont pris diverses mesures :
- 87 avertissements
- 56 injonctions
- 31 procès-verbaux pénaux
- 1 procès-verbal administratif
- 1 procédure au civil.
L'enquête a mis l'accent sur la vérification de la prise en compte des suites par des constructeurs ayant fait l'objet d'un contrôle antérieur. Le plus souvent, les professionnels affichent une remise en conformité satisfaisante de leurs pratiques. La DGCCRF explique que la persistance d'anomalies par le manque de maîtrise de la réglementation de la part de certains acteurs, justifiant la poursuite des contrôles sur ces professionnels de la construction.
De nombreux manquements constatés
Pour cibler les contrôles, les enquêteurs ont tenu compte des résultats des contrôles antérieurs et des plaintes des propriétaires, mais aussi des "qualités" figurant sur les supports publicitaires ou sur les réseaux sociaux, comme "maison clef en main", "construction de A à Z", afin de vérifier leur légitimité.
Outre l'obligation d'information précontractuelle du consommateur et le caractère réglementaire des pratiques commerciales, ce sont les formalités et démarches liées au CCMI (Contrat de Construction de Maison Individuelle) qui ont fait l'objet du plus grand nombre de manquements et d'infractions, à savoir :
- non-conformité du contrat
- aucune garantie de livraison
- défaut d'information sur le droit de rétractation
- perception d'une somme d'argent avant la signature du contrat ou avant la date d'exigibilité de la créance
- existence de clause abusive interdisant au maître d'ouvrage de visiter le chantier
- remise des clefs subordonnée au paiement intégral, ce qui fait obstacle au droit du maître d'ouvrage de consigner les sommes restant dues jusqu'à la levée des réserves.
L'enquête a également détecté l'existence de pratiques commerciales trompeuses ou déloyales comme cet agent commercial d'une société de maisons en bois ayant encaissé un acompte de 35% du prix global convenu sans jamais donner suite.
Les 2 contrats de maison individuelle
Outre les normes énergétiques à respecter, qui visent à réduire la consommation d'énergie des nouveaux bâtiments, tout constructeur qui se charge des travaux de mise hors d'eau (couverture et étanchéité) et hors d'air (portes et fenêtres) doit conclure un contrat de maison individuelle avec son client.
Ce Contrat de Construction de Maison Individuelle ou CCMI peut prendre 2 formes :
- le CCMI avec fourniture de plan : le contrat le plus répandu, le consommateur fait appel à un opérateur unique pour la réalisation du plan et de la construction.
- le CCMI sans fourniture de plan : les plans sont réalisés par un autre prestataire que le constructeur.
Chaque type de CCMI fait l'objet d'un formalisme dans sa rédaction en termes d'informations générales, d'informations spécifiques à la construction, de prix et de financement, d'annexes et de conditions suspensives portant notamment sur l'obtention du permis de construction et du crédit immobilier. Le client dispose d'un délai de rétractation de 10 jours à compter du lendemain de la première présentation du CCMI.
Dans tous les cas, le constructeur doit respecter les obligations suivantes :
- être assuré en garantie de responsabilité professionnelle et décennale
- être titulaire d'une garantie de livraison délivrée par une banque ou une société d'assurances
- être titulaire d'une garantie de remboursement en cas de CCMI avec plan prévoyant des paiements avant l'ouverture du chantier
- réaliser les travaux conformément au plan convenu et aux règles du Code de la Construction et de l’habitation et du Code de l’urbanisme
- livrer le chantier dans le délai et au prix convenus au contrat.
Outre la garantie de livraison à prix et délais selon le contrat, l'acheteur d'une maison individuelle est protégé par 3 garanties :
- la garantie de parfait achèvement : le constructeur est tenu de réparer tout désordre signalé dans un délai d'un an à compter de la réception des travaux.
- la garantie biennale ou de bon fonctionnement : les dommages qui pourraient affecter le fonctionnement des éléments d'équipement dissociables de la construction sont couverts durant 2 ans.
- la garantie décennale : le constructeur engage sa responsabilité durant 10 ans quant à tout désordre ou malfaçon sur les éléments indissociables de la construction qui rendrait l'ouvrage impropre à sa destination.
La crise sanitaire que nous vivons depuis plus de 2 ans a modifié le rapport des Français à leur habitat. La maison individuelle est devenue le graal en matière de logement, en témoigne la progression exceptionnelle des recherches de maisons sur les sites d'annonces. 57% des propriétaires possèdent une maison et 80% des Français aimeraient vivre dans une maison individuelle, des chiffres qui vont à l'encontre de la politique du logement actuelle, qui mise sur la densification urbaine et zéro artificialisation des sols.