Examinée cette semaine au Sénat, la loi des 4D consacre une large place au logement. Ce projet de réforme territoriale à visée décentralisatrice est jugé peu ambitieux et très technique par un grand nombre de parlementaires. Essayons simplement de comprendre quels sont les changements qui attendent le secteur de l'immobilier dans une période où le marché subit les assauts de la crise sanitaire.
La loi des 4D en 4 mots
Quatre D pour déconcentration, décentralisation, différenciation et décomplexification. Alors qu'elle paraissait enterrée en début d'année, la loi des 4D ressurgit à un an de la présidentielle. Présenté le 12 mai dernier en conseil des ministres, ce projet de réforme vise à donner de nouvelles compétences aux régions et s'apprête à être débattu en première lecture au Sénat le 9 juillet prochain. Il fait suite au grand débat national organisé début 2019 après la crise des Gilets Jaunes.
La loi 4D prévoit un transfert de compétences aux régions et aux collectivités locales dans divers domaines : le transport, l'insertion, la transition écologique et la santé. Voilà pour la décentralisation.
La déconcentration vise à rapprocher l'État du terrain, en nommant par exemple le préfet de région délégué territorial de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie pour une meilleure synergie avec les autres services de l'État.
La différenciation réaffirme la capacité d’adaptation de l’organisation et de l’action des collectivités aux particularités de leur territoire.
Et par décomplexification, il faut comprendre simplification de l'action publique, afin d'éviter notamment aux usagers de devoir donner plusieurs fois les mêmes informations à l'administration.
Cette loi des 4D s'ajoute aux autres programmes gouvernementaux lancés pour les territoires, comme "Action cœur de ville" destiné à améliorer les conditions de vie des habitants de villes moyennes et à redynamiser les centres-villes, "Petites villes de demain" qui permet aux communes de moins de 20 000 habitants désignées par les préfets de bénéficier d'un soutien spécifique de l'État pour mettre en œuvre leurs projets de revitalisation, ou encore "territoires d'industrie", un dispositif pour accélérer le développement industriel.
Loi des 4D et logement
Ce projet de loi comprend aussi diverses mesures qui concernent directement le secteur de l'immobilier. Constitué d'une quinzaine d'articles, le titre III intitulé "L'urbanisme et le logement" prévoit :
- la prolongation au-delà de 2025 de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) qui oblige chaque ville à compter au moins 20% ou 25% de logements sociaux parmi les résidences principales ;
- l'amélioration du mécanisme d'exemption de communes de l'application de cette obligation de disposer d'un nombre minimum de logements sociaux ;
- l'instauration d'un contrat de mixité sociale pour les communes qui sont dans l'incapacité d'atteindre leurs objectifs en raison de difficultés réelles (pénurie de foncier par exemple) ;
- l'accès au logement social au profit des travailleurs des secteurs essentiels ;
- la prolongation de l'expérimentation sur l'encadrement des loyers pour trois années supplémentaires ;
- l'instauration d'un délai de 10 ans au lieu de 30 ans donné aux communes pour récupérer des biens immobiliers sans maîtres ou en état d'abandon manifeste, afin de mener une opération de revitalisation du territoire ou d'urbanisme.
Sur le volet social, la commission des Affaires Économiques du Sénat a proposé
qu'au-delà d'un seuil de 40% la création de logements sociaux soit interdite pour éviter les ghettos de pauvres.
L'UFS (Union Sociale pour l'Habitat) qui fédère les organismes HLM espère que le futur texte adopté préviendra les éventuelles dérives de communes qui rachèteraient à vil prix des logements abandonnés pour les revendre à des promoteurs pour des projets immobiliers sans intérêt pour la collectivité.
Encadrement des loyers : un dispositif mal respecté
Sur le volet "encadrement des loyers", déjà en place à Paris et à Lille depuis 2018, plusieurs villes sont candidates pour mettre en œuvre le dispositif : Bordeaux, Lyon, Villeurbanne, Grenoble, Montpellier et une dizaine de communes franciliennes.
Pour l'Unis (Union nationale des professionnels de l'immobilier), l'encadrement des loyers a un effet pervers, en incitant certains propriétaires bailleurs à laisser leurs logements vacants. À Lille, le dispositif censé limiter la hausse des loyers ne réussit pas à modérer le marché : la capitale des Flandres reste la ville où le loyer médian est le plus élevé de toutes les villes centres des métropoles de plus de 500 000 habitants, excepté Paris, à 13,5€/m2 pour les loyers en cours (23€/m2 pour Paris).
Quant au marché parisien, avec une augmentation des loyers de 50% entre 2005 et 2015, l'encadrement aurait dû être salutaire. Selon une étude de Wikimmo, le bilan après un an révèle que plus d'un logement sur deux est loué trop cher, une proportion qui grimpe entre 60% et 70% dans les 6ème, 7ème arrondissements et Paris centre, avec une incidence plus marquée pour les petites surfaces : 80% des annonces de logements de moins de 20m2 ne respectent pas l'encadrement des loyers. Cela représente un surcoût moyen de 130€ par mois !
La demande locative en baisse
La crise sanitaire a pourtant changé la donne. Sur un an, les loyers parisiens ont perdu 4,5% et dans certaines métropoles comme Bordeaux, le repli atteint près de 7%. La raison de cet ajustement : dans la capitale, le nombre d’appartements meublés proposés à la location a été multiplié par 5, et ici comme ailleurs, des logements habituellement loués via Airbnb se retrouvent sur le marché de la location classique moyen ou long terme à cause des restrictions de déplacement et de l’absence de touristes.
Selon le site PAP, la hausse du nombre de logements meublés à louer est évaluée à 24% au niveau national et à 75% à Paris. De quoi inciter les propriétaires bailleurs à baisser leurs prétentions pour trouver rapidement un locataire.
Difficile de dire si cette situation va perdurer. Tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire et des décisions organisationnelles prises au sein des grandes écoles et des universités. Si les cours à distance continuent à la rentrée, le logement étudiant, marché principal de la location meublée, ne sera plus intéressant pour les investisseurs.