Un très grand nombre de logements énergivores, classés E, F ou G sur l'échelle du DPE, sont actuellement mis en vente. Les propriétaires anticipent l'interdiction de mise en location des passoires thermiques à compter de 2025, la vente étant la seule solution quand les moyens financiers pour rénover font défaut, malgré les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique. Le site SeLoger qui observe et chiffre le phénomène craint à terme un risque de forte tension sur le marché locatif.
Boom des mises en vente de passoires thermiques
SeLoger, site spécialisé dans la diffusion d'annonces immobilières en ligne, constate une recrudescence du nombre de mises en vente de logements passoires thermiques. Le phénomène est généralisé dans les 40 plus grandes villes étudiées, sauf à de rares exceptions. Les propriétaires de logements au fin fond du classement énergétique, ceux dotés d'une étiquette E, F ou G, passent à l'offensive alors que se profile l'interdiction progressive des logements énergivores à compter de 2025 (G), 2028 (F) et 2034 (E).
Avant l'échéance, on se débarrasse des passoires énergétiques, et même massivement dans certaines villes comme Rennes où les mises sur le marché de ce type de logements ont bondi de 74% entre septembre 2020 et octobre 2021. La progression est tout aussi spectaculaire à Paris (72%) et à Nantes 70%. 23 communes connaissent une évolution très marquée, pour certaines, bien supérieure à 20%, comme en témoignent les chiffres avancés par SeLoger.
Ville |
Hausse sur un an (septembre 2019/octobre 2020 vs septembre 2020/octobre 2021) |
Aix-en-Provence |
+27 % |
Amiens |
- 9 % |
Angers |
+52 % |
Annecy |
+36 % |
Argenteuil |
+56 % |
Besançon |
-11 % |
Bordeaux |
+27 % |
Boulogne-Billancourt |
+38 % |
Brest |
-11 % |
Caen |
+20 % |
Clermont-Ferrand |
+22 % |
Dijon |
+22 % |
Grenoble |
+8 % |
Le Havre |
+66 % |
Le Mans |
-12 % |
Lille |
+41 % |
Limoges |
+8 % |
Lyon |
+43 % |
Marseille |
+12 % |
Metz |
+5 % |
Montpellier |
+23 % |
Montreuil |
+34 % |
Mulhouse |
0 % |
Nancy |
-6 % |
Nantes |
+70 % |
Nice |
+14 % |
Nîmes |
-39 % |
Orléans |
+13 % |
Paris |
+72 % |
Perpignan |
+18 % |
Reims |
+11 % |
Rennes |
+74 % |
Rouen |
+27 % |
Saint-Denis |
+19 % |
Saint-Etienne |
-3 % |
Strasbourg |
+10 % |
Toulon |
-7 % |
Toulouse |
+43 % |
Tours |
+15 % |
Villeurbanne |
+ 32 % |
Source SeLoger
Le mouvement s'est par ailleurs accéléré ces derniers mois dans plus d'un tiers des villes étudiées. Toujours à Rennes, le nombre de passoires thermiques mises en vente a grimpé de 75% en six mois, entre avril et octobre 2021 par rapport à la même période en 2020. Le nombre de biens mal classés sur le DPE augmente de 56% à Angers et de 50% à Annecy sur les six derniers mois, contre 52% et 36% respectivement un an plus tôt.
Le phénomène est corrélé à une autre évolution : celle du report des grandes agglomérations vers les communes limitrophes, en référence au vif attrait des citadins pour les villes moins densément peuplées et les zones rurales. À Boulogne-Billancourt ou Argenteuil, proches de Paris, ou encore à Villeurbanne près de Lyon, les passoires thermiques envahissent là aussi le marché immobilier.
Vendre quand on ne peut rénover
Les spécialistes du diagnostic immobilier estiment qu'un propriétaire doit investir au minimum 50 000€ pour rendre son logement plus vertueux en termes de confort et de respect de l'environnement. Pour être autorisé à louer un logement après 2034, il faudra afficher l'étiquette D au minimum et débourser des dizaines de milliers d'euros pour changer le système de chauffage, isoler, refaire le réseau électrique et la plomberie, mais aussi améliorer les équipements comme la salle de bain et la cuisine. Quand le logement est situé en copropriété, les travaux nécessaires pour grimper dans le classement peuvent être très lourds et très coûteux, comme l'isolation par l'extérieur.
Les 50 000€ sont parfois insuffisants pour financer des travaux ambitieux, d'autant que l'accès au financement est parfois difficile quand le profil d'emprunteur est peu recherché par la banque (seniors, ménages à revenus modestes). Rappelons que MaPrimRénov’, dispositif phare d’aide à la rénovation énergétique, peut financer au plus 20 000€ voire 30 000€ d’un bouquet de travaux.
La vente est donc souvent la seule issue pour ne pas se retrouver dans un avenir très proche avec un logement interdit de location et plus difficilement vendable pour cette même raison. Les banques commencent d'ailleurs à regarder de plus près le classement énergétique du logement acquis via un crédit.
L'acquéreur d'un logement étiqueté F ou G doit avoir intégré les travaux dans son plan de financement sur la base de devis fournis par des entreprises labellisées RGE (Reconnue Garant de l'Environnement), dans le respect d'un taux d'endettement limité à 35% des revenus nets. Si les travaux ne sont pas financés par le prêt d'acquisition, le risque est réel qu'ils ne soient jamais réalisés si le niveau de revenus du ménage emprunteur est faible. On pense bien évidemment aux primo-accédants qui débutent dans la vie professionnelle : leur capacité d’emprunt se limite parfois à des biens décotés compte tenu du faible DPE, qu’il faudra rénover pour obtenir l’étiquette minimale D.