Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les médias surfent sur l'exode des citadins vers les campagnes et les villes de taille moyenne. Légende urbaine ou réalité ? Un rapport montre une perte massive de la masse salariale dans les grandes villes, plus lourdement touchées par la crise que les zones rurales ou périurbaines, avec une amorce d'exode urbain qui privilégie la maison au détriment de l'appartement.
Un choc économique inégal sur le territoire métropolitain
La crise actuelle a généralisé l'idée d'une ville dense, devenue invivable par l'étroitesse des logements, le manque d'espaces verts et la promiscuité, et promu celle d'un désir d'installation durable à la campagne. Assiste-t-on à un véritable exode urbain comme voudraient le laisser entendre de nombreux articles de presse ? Et si c'est le cas, quels sont les territoires concernés ? Ce déplacement est-il un simple effet conjoncturel ou une tendance lourde ? En début d'année, le député des Yvelines Jean-Noël Barrot (MoDem) a été chargé d'une mission relative à l'accompagnement de la sortie de crise et au rebond économique territorial. En creux, le départ des ménages des centres urbains pour des espaces moins denses, rendant possible une navette domicile-travail.
La crise sanitaire a bel et bien des conséquences sur les mouvements résidentiels à cause des confinements répétés et des restrictions de déplacement qui ont favorisé la mise en place d'une nouvelle méthode d'organisation, le télétravail, en raison également et surtout du marasme économique qui frappe les régions de manière inégale. Le rapport d'étape présenté le 8 juin dernier au ministère du travail livre des chiffres éloquents sur l'infortune des métropoles au profit des zones moins densément peuplées.
Les grandes agglomérations ont souvent payé un plus lourd tribut que les zones rurales ou périurbaines avec une baisse d'activité deux fois supérieure. Plus touchées par la crise, les grandes métropoles accusent une baisse de la masse salariale, autour de 14% pour Paris, Lyon et Marseille, bien plus forte que dans les villes de taille moyenne.
Les départements de la Savoie, des Hautes-Alpes, de la Corse et des Alpes-Maritimes ont eux aussi régressé, corroborant le fait que les zones touristiques de mer ou de montagne ont subi l’impact le plus violent. Le rapport liste 30 zones d'emploi métropolitaines où le choc économique a été le plus sévère sur la masse salariale. Sur la période de mars 2020 à février 2021, les bassins d'emploi les plus touchés sont :
- la Tarentaise (Savoie)
- Roissy (Val-d'Oise)
- Saint-Louis (haut-Rhin)
- Vire (Normandie)
- Calvi (Corse-du-Sud)
- Thouars (Deux-Sèvres).
Exode urbain ou rééquilibrage territorial ?
Sur la base des données notariales, le rapport s'intéresse également aux flux résidentiels, en lien direct ou indirect avec la baisse de la masse salariale. L'étude signale sans surprise une augmentation sensible des départs depuis certaines zones, en particulier depuis Paris avec une hausse des flux résidentiels de plus de 30%. Trois autres zones perdent leurs résidents dans des proportions élevées : la Seine-Saint-Denis (-26%), l'Hérault (-26%) et le Nord (-22%).
Cette fuite des urbains se fait au profit des départements limitrophes. Le Loiret (+153%), l'Eure (+148%), l'Orne (+110%), l'Eure-et-Loire (+72%), les Yvelines (+50%) et la Seine-et-Marne (+44%) accueillent davantage de ménages désireux de s'installer durablement, notamment des Parisiens. Deux grosses métropoles font les frais de ces pertes résidentielles : le Vaucluse attire les ex-Marseillais et les anciens Lyonnais partent dans l'Ain, la Loire et l'Isère. Le député y voit plus un rééquilibrage territorial qu'un exode urbain, et de citer l'Ariège qui a mis en place un "pack télétravail" pour attirer les salariés de la région toulousaine.
Les villes autour de 100 000 habitants, en particulier celles bien desservies par le TGV ou la LGV, en profitent, comme Limoges, Poitiers, Angers pour les salariés et les villes du littoral normand, breton ou basque pour les personnes qui anticipent leur retraite.
Ruée sur les maisons
Ces flux résidentiels ont bien évidemment une incidence sur les prix immobiliers. Selon le baromètre LPI-SeLoger, les prix dans l'ancien sont en augmentation de 5% sur un an (+3,6% pour les maisons et +6% pour les appartements). La crise accentue l'hétérogénéité du marché immobilier français, avec des hausses très inégales selon les métropoles.
Dans l'eurométropole de Strasbourg, les maisons se vendent 13,3% plus cher qu'il y a douze mois, tandis que les prix des appartements perdent près de 2%. Dans les métropoles rennaise et nantaise, les prix des maisons gagnent 10% en un an. À Brest, Lille, Marseille, Nice, Montpellier et Nancy, les prix évoluent eux aussi à la hausse pour les maisons, entre +5% et +9,1%.
Les vendeurs ont la main. Les marges de négociation reculent, pour atteindre en moyenne 3,4% pour les appartements et 4,3% pour les maisons. La crise se répercute aussi sur l’activité locative. Toujours selon SeLoger, les loyers à Paris sont en baisse de 4,6% sur un an, à l'inverse de Brest, Angers, Boulogne-Billancourt, Limoges ou Mulhouse où ils grimpent de 3% à 7,7%.