Les Français ont montré leur appétence pour la pierre depuis le début de la crise sanitaire. Grâce aux taux d'intérêts extrêmement faibles, le marché a fait preuve d'un grand dynamisme dans la première moitié de l'année, avant de ralentir face à la hausse des prix de l'immobilier et à la contraction de l'offre. Les candidats à l'emprunt sont aussi confrontés aux règles d'octroi qui s’imposeront comme des normes juridiques à compter du 1er janvier 2022. Avec ce serrage de vis en vue, une éventuelle remontée des taux et des normes environnementales qui taclent les biens énergivores, la demande risque d'être pénalisée l'an prochain.
Que feront les taux en 2022 ?
La tendance baissière des taux d'intérêts des crédits immobiliers touche à sa fin, pour ne pas dire qu'elle est bel et bien terminée. Depuis début novembre, les valeurs remontent légèrement, de manière partielle et disséminée, pour toucher toutes les banques en ce début décembre. À l'approche du gong, les établissements ralentissent la cadence, ne procèdent plus à l'analyse des dossiers contenant des prêts conventionnés comme le PTZ pour raisons de lenteur administrative et se préparent au bilan annuel.
Quelle que soit la durée, les taux poussent le curseur vers le haut, mais affichent toujours un niveau historiquement bas. Selon les barèmes bancaires, le taux moyen constaté oscille entre 0,95% et 1,05% sur 20 ans (hors assurance et coût des sûretés), avec un point bas autour de 0,70%, réservé aux meilleurs profils. Entre octobre 2020 et octobre 2021, le taux moyen toutes durées confondues a perdu 15 points de base (Observatoire Crédit Logement) sous l'effet conjugué de la politique commerciale des banques et des conditions monétaires en place, destinées à favoriser le crédit aux ménages.
L'évolution du contexte ces dernières semaines (hausse de l'inflation et de l'OAT 10 ans) va modifier les grilles, sans qu'il y ait à craindre de changements brutaux. Les courtiers anticipent une lente remontée des taux en raison de la conjoncture. S'ils resteront au plancher, les taux pourraient toutefois être rehaussés de 20 points en début d'année 2022, fixant le taux moyen sur 20 ans à 1,25%.
Les conditions resteront attractives pour financer un projet immobilier, mais les règles d'octroi, légalement obligatoires à compter de janvier 2022, vont renforcer la vigilance des prêteurs et obliger les candidats à l'emprunt à peaufiner leur dossier, au risque d'exclure les projets les moins bien ficelés et les profils les plus fragiles.
Des conditions strictement encadrées
L'encadrement de la distribution des crédits immobiliers aux particuliers est en place depuis déjà deux ans, mais ce qui était jusqu'à présent une recommandation devient la norme pour tous les crédits immobiliers décaissés à partir du 1er janvier 2022, sur le fondement du 5 de l'article L.631-2-1 du code monétaire et financier :
- Le taux d'effort ou taux d'endettement est rigoureusement limité à 35% des revenus nets de l'emprunteur (avant impôt et assurance de prêt incluse).
- La durée de remboursement ne doit pas dépasser 25 ans, sauf en cas d'achat dans le neuf avec différé d'amortissement où la durée peut être poussée jusqu'à 27 ans (achat en VEFA, construction de maison individuelle).
Le régulateur accorde une marge de flexibilité à hauteur de 20% de la production trimestrielle à destination de la primo-accession et de l'acquisition de la résidence principale. Les établissements trop généreux, qui distribueront des prêts hors normes, seront passibles de sanctions administratives.
Ils s'y sont préparés, puisque ce cadre est en vigueur depuis janvier 2021. Et ils l'appliquent de manière rigoureuse. Selon les statistiques du Haut Conseil de Stabilité Financière, en juillet dernier, seuls 0,9% des dossiers de crédit étaient hors de clous. D'un réseau à l'autre, la souplesse peut être plus ou moins marquée, mais globalement les prêteurs obéissent aux normes.
Bétonner son dossier de prêt
L'application de ces règles a un effet immédiat sur l'apport personnel, dont le niveau s'est très nettement apprécié depuis un an : +26% par rapport à ce qu'il était en 2019. Le courtier Empruntis évalue à plus de 60 000€ le montant moyen de l'apport nécessaire pour financer un premier achat. Il grimpe à plus de 88 000€ pour les secundo-accédants.
Pour ceux qui disposent d'une épargne significative et/ou qui empruntent sans avoir à piocher dedans, la réforme n'a aucun impact. En revanche, pour les ménages qui achètent pour la première fois et qui ont peu, voire pas d'épargne à mobiliser, les bornes en place sont un réel obstacle. D'un côté, ceux qui sont bien dotés et qui empruntent aux taux les plus faibles, de l'autre, les jeunes accédants sans épargne qui écopent des taux et des durées les plus élevés, ou qui doivent patienter pour accéder à la propriété, le temps de se constituer un apport personnel suffisant.
La crise actuelle renforce aussi la vigilance des banques quant à la situation professionnelle du demandeur. Les candidats qui exercent dans des secteurs sinistrés peuvent rester sur la touche, leur sont préférés ceux qui font montre d'une franche sécurité professionnelle ou de perspectives d'évolution de carrière.
Au-delà de respecter les critères cardinaux d'octroi, il faut aussi convaincre la banque que le projet immobilier tient la route. En cas d'achat avec travaux, elle s'assurera que la capacité d'endettement de l'emprunteur est suffisante pour inclure la rénovation dans la demande de financement. S'il s'agit d'un projet d'investissement, le classement énergétique du bien revêt une importance cruciale, puisque les passoires thermiques seront progressivement interdites de location à compter de 2023.
À l'approche de l'échéance, on voit une très forte progression des mises en vente des logements énergivores classés E, F ou G, jusqu'à +70% dans certaines villes comme Paris, Brest ou Nantes. Les propriétaires se débarrassent de leur bien, faute de moyens financiers de réaliser des travaux de grande ampleur. Pour faire passer un logement de l'étiquette G à D, il faut débourser au bas mot 50 000€, une enveloppe que devra intégrer le futur acquéreur.