Malgré des taux d'emprunt hyper propices à l'achat immobilier, le nombre de refus de prêts ne cesse d'augmenter. Les banques appliquent scrupuleusement les recommandations édictées par le Haut Conseil de Stabilité Financière, une politique qui semble avoir une incidence plus marquée sur la production de crédits que la situation économique dégradée.
Nouvelles conditions d'octroi depuis janvier 2020
Bien avant que la crise sanitaire ne fragilise le marché de l'immobilier, le régulateur avait déjà mis le holà. Fin 2019, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) s'inquiétait d'un éventuel emballement du crédit à l'habitat, enjoignant les banques de suivre à la lettre les trois règles suivantes :
- plafonner le taux d'effort à 33% des revenus de l'emprunteur ;
- limiter la durée de remboursement à 25 ans ;
- limiter l'endettement à 7 années de revenus.
Ces nouveaux critères d'octroi qui s'apparentent à de bonnes pratiques interviennent au terme d’une année 2019 qui a battu des records d'activité immobilière, avec plus d'un million de transactions et 258 milliards d'euros distribués par les banques. Le HCSF s'est alarmé du prétendu laxisme des établissements financiers en matière de distribution du crédit, les accusant de prêter sur de trop longues durées à des taux d'endettement parfois supérieurs à 35%.
La crainte d'un endettement excessif des ménages n'a fait que se renforcer avec la dégradation économique consécutive à la crise sanitaire. Mi-septembre, l'autorité régulatrice a confirmé ne pas vouloir assouplir les règles d'octroi imposées aux banques depuis janvier 2020.
Le nombre de refus a doublé
Malgré des taux d'emprunt toujours attractifs, cette ligne dure crée un marché à deux vitesses, qui exclut un grand nombre de candidats, encore éligibles en 2019. Le retour à la notion de reste à vivre, tant réclamé par les courtiers, semble un vœu pieu. En limitant le taux d'effort à 33% sans distinction de revenus, le HCSF dénie aux banques leur capacité d'analyse des demandes de financement. Les intermédiaires militent en vain depuis des mois pour que le reste à vivre soit pris en compte dans les règles d'octroi. C'est une évidence mathématique qu'un emprunteur aisé puisse outrepasser les 33% d'endettement sans compromettre l’équilibre de son budget pour assurer les dépenses courantes du mois.
Résultat, le taux de refus de prêt ne cesse d'augmenter depuis le début de l'année. Chez le courtier Vousfinancer, 15% des dossiers ont été recalés en septembre et en octobre, portant le taux de refus à 11,5% sur l'année 2020, contre un taux moyen de 5,5% l'an passé. L'intermédiaire avoue néanmoins que les chiffres ne se sont pas envolés, comme le laissait présager la crise économique. Chez le courtier Cafpi, le taux de refus est passé de 10% à 14% d'une année à l'autre pour la même raison majeure : le durcissement des conditions d'accès au crédit souhaité par le HCSF.
Apport personnel exigé !
Pour respecter ces règles, les banques sont devenues plus exigeantes sur le niveau de l'apport personnel. Finies les opérations financées à 100% voire 110% par le crédit bancaire. Désormais une mise de départ minimale de 10% est requise, mieux, 20% pour bénéficier des taux les plus performants.
Cela se traduit par l'exclusion de nombreux primo-accédants pourtant solvables qui, faute d'épargne suffisante, ne peuvent concrétiser leur projet immobilier. D'après les données du courtier Cafpi pour le mois d'octobre, le taux d'apport moyen a augmenté entre le troisième trimestre 2019 et le troisième trimestre 2020, passant :
- de 10,8% à 12,1 pour les primo-accédants,
- de 14,3% à 16,2% pour les autres accédants.
Même si la part des primo-accédants s'est encore accrue par rapport à septembre (69% contre 67%), les chiffres avancés par ce courtier indiquent réellement le recentrage progressif de la production vers les clientèles les mieux dotées. En octobre, les primo-accédants ont décroché un prêt immobilier d'un montant moyen de 223 200€ sur 283 mois pour un endettement équivalent à 5,63 années de revenus, contre 215 100€ empruntés sur 282 mois pour un effort de 5,60 années de revenus en septembre 2020.