Retoqué en décembre 2020, le projet de résiliation à tout moment de l'assurance emprunteur est relancé sous l'impulsion de la députée Patricia Lemoine qui s'apprête à déposer une nouvelle proposition de loi avant la fin de l'année. Cette démarche intervient alors que banques, courtiers et assureurs se sont récemment réunis à diverses reprises pour débattre de la résiliation infra-annuelle en assurance de prêt. Le sujet est crispant, mais à la clef, ce sont d'importantes économies pour des millions d’emprunteurs.
Nouveau projet de loi
L'information a été révélée par le journal Le Figaro le mercredi 15 dernier. La députée de Seine-et-Marne Patricia Lemoine (groupe Agir ensemble - majorité présidentielle) envisage de déposer d'ici fin 2021 une proposition de loi visant à rendre effective la résiliation à tout moment en assurance emprunteur, à l'image de ce qui se fait déjà en assurance auto, habitation et santé. L'élue n'en est pas à sa première tentative pour faire passer cette mesure en faveur du pouvoir d'achat des ménages emprunteurs.
Au cours de l'automne 2020, la députée avait réussi à faire adopter un amendement prévoyant la résiliation à tout moment des contrats d'assurance de prêt dans le cadre de l'examen de la loi Asap (Accélération et simplification de l'action publique). Dans la foulée, la commission mixte paritaire opposera son veto. Un an plus tôt, un premier texte visant la résiliation infra-annuelle en assurance de prêt immobilier avait été rejeté par les parlementaires, toujours en commission mixte paritaire.
Lors de l'échec de décembre dernier, Patricia Lemoine avait expliqué qu'elle ne renoncerait pas, et qu'elle trouverait le bon support au bon moment pour que la résiliation à tout moment en assurance de prêt puisse devenir un droit concret pour tous les emprunteurs.
Une réglementation perfectible
Actuellement, les emprunteurs peuvent changer d'assurance au cours de la première année, en faisant jouer la loi Hamon entrée en application en juillet 2014. Durant les douze mois qui suivent la signature de l'offre de prêt, chacun peut résilier le contrat en cours et le substituer par une offre à garanties au moins équivalentes. Au-delà de cette première année, l'emprunteur a l'opportunité de changer de formule à chaque échéance grâce à l'amendement Bourquin, mais la démarche est nettement plus complexe à mettre en œuvre compte tenu des blocages récurrents des banques.
Théoriquement, l'emprunteur dispose de 2 mois de préavis avant la date d'échéance annuelle de son contrat pour le dénoncer et présenter au prêteur une offre alternative avec une couverture au moins aussi protectrice. Force est de constater que les banques sont mauvaises joueuses et abusent de pratiques douteuses pour entraver le droit au libre choix de l'emprunteur : manœuvres dilatoires, désinformation, refus non justifiés, demande indue de documents, etc. Tout est fait pour dissuader le client d'aller voir ailleurs.
On connaît la raison : les marges juteuses en assurance de prêt. Malgré une réglementation censée faciliter la concurrence, les bancassureurs détiennent toujours 87% des quelque 6 milliards d'euros de parts de marché annuelles sur un produit contraint auquel l'emprunteur ne peut échapper. Une captation en totale opposition avec le principe d'une concurrence saine et loyale.
La réglementation en assurance de prêt est un long chemin de croix. "Les dernières lois prises ces dernières années n'ont pas permis de développer une libre concurrence", rappelait Patricia Lemoine au quotidien Le Figaro.
Des milliers d'euros d’économies pour les consommateurs
Alors que la campagne présidentielle de 2022 est déjà sur les rails, un candidat s'est prononcé pour la résiliation infra-annuelle de l'assurance de prêt. Selon le courtier April, Xavier Bertrand se serait déclaré en faveur de cette mesure.
La résiliation à tout moment en assurance emprunteur sujet de campagne présidentielle ? La problématique est loin d'être anecdotique pour les quelque 6 millions de consommateurs détenteurs d'un crédit immobilier. C'est dire l'enjeu de la future proposition de loi de la députée Patricia Lemoine. Le texte devrait être débattu à l'Assemblée Nationale d'ici la fin de l'année dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Agir ensemble.
En comparant les offres et en souscrivant un contrat sur-mesure, un emprunteur peut économiser jusqu'à 15 000€ sur la durée totale de son crédit. Souvent pressé d'obtenir son financement pour conclure la transaction immobilière, l'emprunteur souscrit l'assurance proposée par sa banque, sans prendre la peine de comparer les offres. Il passe à côté d'un gain important, mais peut, ou devrait pouvoir, se rattraper ensuite pour éviter d'être pénalisé par la position de force de la banque et le contre-la-montre.
Le sujet est facteur de crispation chez tous les acteurs de l'assurance de prêt. On se souvient de la guerre ouverte entre banques et courtiers fin 2019, les premières estimant pouvoir se passer des services des seconds, pourtant apporteurs d'affaires et maillon essentiel du marché immobilier et de la distribution du crédit. Dans un contexte de taux d'intérêt au plancher, l'assurance est le plus gros poste générateur de marges pour les banques. Elles peuvent dégager jusqu'à 80% de profit en assurance de prêt, là où les alternatifs se contentent de 20% à 30%.
D'ici là, est attendu le résultat du groupe de travail, qui réunit à la fois les représentants de groupes bancaires, les assureurs, les courtiers et les associations de consommateurs. Sous l'égide du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), le collectif est chargé de plancher depuis mai dernier sur les modalités de résiliation en assurance de prêt. Après l'échec de l'automne 2020, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait chargé le CCSF de trouver un terrain d'entente entre les différents acteurs afin de rendre définitivement effectif le droit au changement annuel de l'assurance de prêt. À défaut, le législateur prendra de nouveau le sujet en main.