La caution institutionnelle est une garantie largement plébiscitée par les emprunteurs et par les banques. Plus simple, moins formaliste et moins chère que l'hypothèque, elle est néanmoins régie par une réglementation stricte qui, à défaut d'être respectée, peut priver l'emprunteur de moyens de défense. Par une décision inédite rendue en février dernier, la Cour de cassation a pris la défense d'un emprunteur à l'encontre de l'organisme de cautionnement.
Le cautionnement pour garantir un prêt immobilier
Pour être sûr que le prêt sera remboursé, la banque qui a octroyé le prêt immobilier exige une garantie, à savoir l'hypothèque sur le bien immobilier ou sur un autre, le privilège de prêteur de deniers (PPD) ou une caution. Le cautionnement repose sur un engagement pris un organisme financier qui se porte garant du remboursement du crédit immobilier en cas de défaut de paiement de l’emprunteur. Il ne doit pas être confondu avec l'assurance de prêt immobilier qui intervient en cas de défaillance liée au décès, à la perte d'autonomie, à l'invalidité ou à la perte d'emploi.
Contrairement à l'hypothèque et au PPD, la caution n'occasionne aucun acte notarié et donc aucun frais d'enregistrement. L'emprunteur verse chaque mois à l'organisme de cautionnement une cotisation, composée d'une commission de caution et d'une contribution aux fonds mutuelle. Si l'emprunteur n'honore pas ses mensualités, l'organisme rembourse la banque (capital restant dû, intérêts et pénalités de retards), avant de se retourner contre lui en proposant d'abord une solution amiable (étalement ou échelonnement de la dette), ou la vente du bien si la remise en gestion normale du prêt s'avère impossible, et à défaut, en engageant des actions de recouvrement judiciaire des sommes dues.
En France, plus de la moitié des crédits immobiliers sont garantis par une caution bancaire, une solution plus souple et moins onéreuse que les autres garanties. Son succès grandissant tient également à la possibilité pour les emprunteurs de récupérer au terme du prêt une partie de la contribution versée au Fonds mutuelle si aucune défaillance n'a eu lieu.
L'organisme qui s'est porté caution doit être informé par la banque dès le premier impayé du débiteur si toutefois celui-ci est susceptible d'être inscrit au FICP (Fichier des incidents de paiement) de la Banque de France. Si la banque ne respecte pas cette obligation d'information, elle ne pourra réclamer au garant caution le paiement des pénalités et les intérêts de retard échus entre la date du premier incident de paiement et la date à laquelle l'organisme a été informé. En revanche, si ce dernier paie trop vite une dette que la banque ne lui a pas encore exigée, il prive l'emprunteur de tout recours et perd dans la foulée toute possibilité de faire valoir ses droits.
Le garant caution ne doit pas payer trop vite
Dans un important arrêt du 20 février 2019*, la Cour de cassation a rendu une décision pour le moins inédite en faveur des emprunteurs poursuivis par un organisme de cautionnement, en l'occurrence le Crédit Logement. Dans l'affaire concernée, la banque avait prononcé la déchéance du terme suite à des défaillances de l'emprunteur, exigeant le paiement immédiat et total du crédit immobilier. Sans avoir été poursuivi par la banque, le Crédit Logement avait rapidement réglé les sommes dues, et s'était ensuite retourné contre l'emprunteur en l'assignant en justice pour obtenir le remboursement des sommes réglées au prêteur. Or, la garant caution aurait du laisser à l'emprunteur le temps de se défendre et de "s'opposer utilement à la banque, pour y faire obstacle, un moyen de droit tiré notamment de l'irrégularité de la déchéance du terme". En payant trop vite, il avait alors privé l'emprunteur de toute chance d'obtenir un accord ou une décision judiciaire favorable. Dans ces conditions, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi du Crédit Logement et donné raison à la Cour d'appel qui avait préalablement rejeté toute demande de remboursement présentée par la caution.
Cette avancée jurisprudentielle s'applique à l'ensemble des organismes de caution institutionnelle. Il ne faut pas oublier que les organismes de cautionnement sont bien souvent des filiales des banques. Le marché est détenu à 95% par les établissements bancaires. Cette concurrence sclérosée, comme celle de l’assurance emprunteur par ailleurs, génère des marges importantes, accaparées par les banques. La pratique des organismes de cautionnement qui consiste à payer immédiatement le prêteur dans des conditions contestables en cas de défaillance de l’emprunteur est donc un mécanisme de confort pour les banques. L’arrêt de la Cour de cassation devrait contribuer à mettre à terme à cette dérive.
*Cass. Civ 1, 20.2.2019, W 17-27.963