Durement touché par les mesures de restriction, le secteur de l'immobilier est quasiment à l'arrêt depuis la mi-mars. L'annonce d'un déconfinement progressif à compter du 11 mai prochain offre une relative visibilité aux professionnels, comme aux particuliers avec un projet immobilier. Les banques vont recommencer l'étude des dossiers de prêt à l'habitat, certes avec des délais plus longs. Si elle repart, la demande devrait pâtir de la hausse des taux d'intérêt, inévitable selon les banques pour affronter les risques qui pèsent sur l'économie.
Taux en hausse et demande quasi nulle
Début avril, les courtiers en crédit avaient relayé les barèmes des taux d'emprunt communiqués par leurs partenaires bancaires. Une grosse vingtaine de banques avaient décidé d'augmenter les taux dans un contexte marqué par une activité au point mort : pas de distribution de nouveaux crédits immobiliers depuis la mise en place des mesures de confinement le 17 mars et des transactions reportées pour cause de cabinets notariaux fermés au public et de ralentissement des services administratifs et postaux. Les banques gèrent l'urgence, à savoir la distribution aux entreprises des Prêts Garantis par l'État et les dossiers de prêts déposés avant la mi-mars, sans oublier les demandes d'aménagement de remboursement des particuliers.
Comment expliquer ces hausses de taux dont l'ampleur oscille en moyenne entre 20 et 30 points de base ?
Selon le courtier Vousfinancer, les banques justifient leur politique par l'incertitude économique qui induit de fortes tensions sur le coût des ressources, tensions qu'elles répercutent sur les taux. S'y ajoute la hausse plus que probable des risques sur les entreprises, ce qui pèse sur le crédit en général. Les établissements bancaires qui n'ont pas encore remonté leurs taux indiquent qu'ils le feront prochainement, alors que les seuils de l'usure en baisse pour le deuxième trimestre 2020 vont mathématiquement exclure de l’accès au crédit les profils les plus fragiles.
Indépendamment des taux, la demande de financements est stoppée par la crise sanitaire. Chez Vousfinancer, les trois premières semaines d'avril accusent un repli très net de près de 80% par rapport à l'an passé. La contraction de l'activité touche ironiquement les régions au même rythme que l'épidémie de Covid-19 : -89% dans le Grand Est, -87% en Île-de-France, -85% en PACA, -66% en Normandie et -30% en Bretagne et Nouvelle-Aquitaine. Malgré l'envie de concrétiser un projet immobilier, les particuliers sont figés par l'incertitude du lendemain, à laquelle s'ajoute le blocage des transactions (pas de visite de logements durant le confinement, complexité des signatures des actes authentiques à distance, allongement des délais de procédure). De façon légitime, les porteurs de projet s'interrogent sur leur future capacité d'emprunt, notamment les salariés au chômage partiel dont l'indemnisation est équivalente à 84% du salaire net. Leur pouvoir d'achat immobilier s'en trouve considérablement diminué, et leur projet, s'il n'est pas abandonné, doit s'adapter à ces nouvelles contraintes financières.
Les banques prêtes à distribuer de nouveau des crédits immobiliers
Il est un peu prématuré d'affirmer que les banques sont dans les starting-blocks, mais certaines ont déjà indiqué être en capacité de faire face aux demandes de financement de la part des particuliers. Leur "volonté de reprise est liée au probable déconfinement à venir, afin de reprendre un fil d'activité régulier avec du personnel et des partenaires comme les courtiers, habitués désormais à travailler à distance", comme l'a indiqué une grande enseigne au courtier Vousfinancer. Une annonce qui est sans doute de nature à rassurer les réseaux de courtage quant à leurs relations avec les établissements de crédit. Pour mémoire, le partenariat banques/courtiers avait viré à l'affrontement ces derniers mois, les premières reprochant aux seconds de leur coûter trop cher et de ne servir à rien. Vousfinancer estime que 70% des établissements sont prêts à remettre la distribution du crédit sur les rails.
Le gouvernement n’a pas encore dévoilé ce qu’il envisage pour ce délicat passage du confinement au déconfinement, hormis pour les établissements scolaires. Il y aura une reprise, c'est indubitable, mais les mesures sanitaires qui vont devoir perdurer, au moins durant plusieurs semaines, vont modifier l'organisation des procédures. Aujourd'hui, les banques fonctionnent avec des effectifs réduits, en télétravail chaque fois que c'est possible, ou en arrêt maladie pour ceux qui doivent s'occuper de leurs enfants. Les rares demandes de prêt immobilier présentées par les courtiers ou en direct via les plateformes en ligne subissent des délais de traitement allongés, qui vont au-delà de trois semaines au lieu de 10 jours habituellement. Quand l'octroi du crédit nécessite l'ouverture d'un compte, là encore les délais s'étirent car le présentiel du client en agence n'est pas autorisé dans l'immédiat. Le redémarrage de l'activité, du côté des agences immobilières comme du côté des banques, sera lent et progressif compte tenu des mesures de protection que la population et les entreprises devront continuer à appliquer et des difficultés financières auxquelles un grand nombre de ménages doivent ou devront faire face.
La crise économique liée à la crise sanitaire va-t-elle contraindre les banques à appliquer scrupuleusement les recommandations du Haut Conseil de Stabilité Financière édictées fin décembre, en particulier la stricte limitation du taux d'endettement à 33% et de la durée d’emprunt à 25 ans ? Le retour en force du secteur dépendra des assouplissements dont sont capables les établissements de crédit à l'aune d'une hausse des risques qui pèse sur eux.