Les organismes de complémentaire santé sont souvent pointés du doigt pour leurs frais de publicité, de marketing et de gestion, investis au détriment des prestations aux adhérents. Les chiffres ne mentent pas. Selon un rapport de la Cour des Comptes de 2018, un cinquième des cotisations est parti en frais divers. Le problème s'est creusé par la suite. Une enquête de Capital révèle que les frais de gestion peuvent excéder 20% dans de nombreuses mutuelles, affectant le taux de restitution de manière très significative.
Qu’est-ce que le taux de redistribution ?
Depuis le 1er septembre 2020, les organismes complémentaires sont obligés de rendre public leur taux de redistribution ou de réversion, ce qui correspond au ratio entre le montant des prestations versées aux assurés et le montant des cotisations collectées auprès de ces derniers, hors taxes. Ils doivent également indiquer le ratio entre le montant des frais de gestion au titre du remboursement et de l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident et le montant des cotisations afférentes à ces garanties.
Au moment de la souscription puis annuellement, les mutuelles doivent communiquer à chacun de leurs adhérents ces ratios exprimés en pourcentage, complétés de la composition des frais de gestion. Ces frais renvoient aux frais de gestion des sinistres, aux frais d'acquisition, aux frais d'administration et autres charges techniques.
Quel intérêt pour le consommateur de connaître le taux de redistribution de sa mutuelle ? Étant donné que chacun peut désormais résilier à tout moment et sans frais son contrat après une année d'engagement, l'information de cet élément est déterminante pour comparer les offres en toute objectivité. Le taux de redistribution rend compte de la rentabilité ou non de tel ou tel contrat et permet d'avoir une vision plus nette de la part consacrée aux frais de fonctionnement dans le coût total de la complémentaire santé. Plus la mutuelle est dispendieuse dans son organisation, moins performante elle sera pour le consommateur.
Une enquête réalisée par l'association UFC-Que Choisir sur un panel de 23 organismes trois mois après l'entrée en vigueur de cette obligation révélait que le taux moyen de redistribution était de 72,6% pour les compagnies d'assurance, de 76,5% pour les institutions de prévoyance et de 77,9% pour les mutuelles. Ces familles d'organismes complémentaires n'étaient pas homogènes. La MMA, l'AG2R La Mondiale, la MAAF, Smatis Mutuelle et Intériale avaient des ratios nettement inférieurs à la moyenne, sous la barre de 71%, soit près de 30% consacrés aux frais de gestion.
Les bons et les mauvais élèves
Ces chiffres sont corroborés par Capital. Le magazine publie les résultats d'une enquête établie à partir des données de l'année 2020 et fait un parallèle édifiant avec la Sécurité Sociale. Alors que le régime obligatoire a dépensé 7,2 milliards d'euros en 2020 pour ses frais de gestion, les organismes complémentaires déboursaient de leur côté 7,5 Md€ pour un volume de remboursements six fois moindre ! Depuis 2009, la Sécu a réussi à diminuer ses coûts d'environ 5%, tandis que les mutuelles les augmentaient de 46% !
En moyenne, les organismes complémentaires consacraient près de 75% des primes versées par les assurés aux prestations, mais pour 7 organismes parmi les 15 étudiés, ce seuil moyen était allègrement dépassé. MMA reste le plus coûteux avec un ratio de frais de gestion de 28%, un taux similaire à celui calculé par l'UFC-Que Choisir. À l'autre bout du spectre, la MAAF, avec un taux réduit à 16,2%.
Organisme complémentaire |
Frais de gestion |
Restitution des cotisations |
Total des dépenses |
MMA |
27,80% |
69,20% |
97% |
VIasanté |
26,10% |
70,50% |
96,60% |
Macif |
25,30% |
71,90 |
97,20% |
Swiss Life |
25,10% |
70,50% |
95,60% |
Allianz |
23,60% |
77,60% |
101,20% |
April |
23% |
77% |
100% |
Aésio Mutuelle |
22,80% |
78,10% |
100,90% |
Moyenne du panel |
21,60% |
74,20% |
95,80% |
Crédit Mutuel Assurances |
20% |
67% |
87% |
Axa |
19,70% |
77,40% |
97,10% |
Groupama |
19,40% |
75,40% |
94,80% |
Crédit Agricole Assurances |
18,50% |
80,10% |
98,60% |
Malakoff Humanis |
18,30% |
75% |
93,30% |
MGEN |
18,20% |
74,70% |
92,90% |
Harmonie Mutuelle |
17,90% |
80;70% |
98,60% |
Maaf |
16,20% |
68,20% |
84,40% |
Capital
Hormis Aésio Mutuelle et Allianz en déficit, tous les autres organismes affichent un bilan technique excédentaire. Et en y regardant de plus près, les organismes les moins dépensiers ne sont pas nécessairement ceux qui offrent le taux de redistribution le plus performant. La MAAF ne restitue que 68,2% des cotisations versées au titre des prestations, pour un total de dépenses estimé à 84,4%. Nul doute qu'elle soit largement excédentaire. Le Crédit Mutuel est lui aussi gagnant avec un total des dépenses (frais de gestion + prestations) estimé à 87% des cotisations.
Quelles conséquences ?
Pour se défendre, les organismes complémentaires avancent l'argument de la résiliation infra-annuelle qui augmente leur coûts de distribution de 1% à 2%. Il semble par ailleurs erroné de comparer le mode de fonctionnement d'une mutuelle avec celui de la Sécu. La première engage des frais pour collecter les cotisations, distribuer et gérer ses contrats, tandis que la seconde s'appuie sur l'Urssaf pour recouvrir les cotisations santé.
Certaines mutuelles ont décidé d'agir et de s'autoréguler, comme celles faisant partie du groupe VYV (Harmonie Mutuelle, MGEN, Malakoff Humanis). D'ici 2025, elles s'engagent à réduire leurs frais de gestion de 3%, et proposent de rendre opposables à toutes les complémentaires du marché un taux de réversion minimum de 80%. En cas de ratio inférieur, les sommes manquantes devraient être utilisées au financement des prestations des années suivantes.
Rappelons que la France reste le pays de l’OCDE où les ménages sont les moins mis à contribution financièrement, avec un reste à charge estimé à environ 7 % des dépenses de santé, la Sécurité sociale et les complémentaires santé en finançant près de 93 %.