Entrée en vigueur en juin 2022, la loi Lemoine avait nourri de grands espoirs quant à une ouverture élargie du marché de l’assurance de prêt immobilier. Le changement de contrat à tout moment laissait entrevoir une explosion du mouvement au bénéfice des emprunteurs qui pouvaient ainsi récupérer du pouvoir d'achat. Deux ans après, cet excès d’optimisme est douché par les chiffres pour le moins mitigés. Les banques conservent la mainmise sur le produit pour 3 raisons majeures : le défaut d’information du consommateur, la relative complexité administrative du processus de changement et la pression du prêteur.
Loi Lemoine : espoir déçu
Adoptée par le Parlement en février 2022, la loi Lemoine, du nom de la députée Patricia Lemoine à l’initiative du texte, est entrée en application dès le 1er juin 2022. À compter de cette date, tout nouvel emprunteur avait le droit de changer d’assurance de prêt immobilier à tout moment et sans frais, sans attendre la date d’échéance jusqu’à présent requise pour lancer l’opération. Cette possibilité est accessible à tous depuis le 1er septembre 2022.
En optant pour une assurance déléguée, concurrente de l’assurance de groupe de la banque, les emprunteurs peuvent économiser en moyenne entre 5 000€ et 15 000€ sur la durée restante de leur crédit immobilier. Le gain est d’autant plus important que la démarche est entamée rapidement après la signature du prêt et que le montant emprunté est élevé. Consultez notre baromètre du pouvoir d'achat immobilier de juin 2024 pour constater l'intérêt financier d'opter pour une assurance individuelle.
La loi Lemoine contient deux autres mesures importantes qui viennent renforcer les droits des profils à risques de santé :
- suppression du questionnaire de santé pour les parts assurées n’excédant pas 200 000€ avec un solde avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur (plafond à 400 000€ pour les emprunts à deux avec une quotité à 50/50)
- amélioration du droit à l’oubli dont le délai pour ne pas déclarer un ancien cancer ou une hépatite C guérie lors de la souscription à l’assurance emprunteur est passé de 10 à 5 ans.
Le fait de pouvoir changer d’assurance de prêt immobilier quand on le souhaite, et ce, dès le lendemain de la signature de l’offre de prêt, avait immédiatement suscité un vif enthousiasme auprès des premiers intéressés, les emprunteurs, mais aussi des courtiers. Asphyxié par les banques depuis des décennies malgré la loi Lagarde sur le libre choix du contrat, le marché de l’assurance de prêt immobilier allait enfin prendre de l’air. Deux ans après, le constat est sévère : seulement 1% des emprunteurs ont pu changer de formule grâce aux dispositions de la loi Lemoine.
Assurance emprunteur : produit toujours capté par les banques
Pourtant, dès la mise en œuvre de la loi Lemoine, le marché a connu un boom du changement d’assurance de prêt immobilier. Dès le 1er septembre 2022, les courtiers, à l’exemple de Magnolia.fr, ont vu leur activité bondir de 300%. Depuis, le soufflé est retombé.
Deux ans de loi Lemoine et les banques gagnent la bataille en conservant leur quasi-monopole sur l’assurance emprunteur. Selon les chiffres du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), les parts de marché des assureurs alternatifs sont passées de 15,3% fin 2021 à 16,1% en 2023.
Manque d’information et de communication
L’adoption de la loi Lemoine a suscité d'entrée de jeu un engouement médiatique énorme par le biais d’articles de presse et de publicité télévisuelle. La possibilité de faire des économies sur son assurance de prêt en pleine période d’inflation a largement été commentée et documentée. Les emprunteurs ont pu bénéficier d’une information nourrie de leur droit au changement de contrat, ce qui a créé une affluence chez les assureurs alternatifs.
Depuis de longs mois, la loi Lemoine est tombée aux oubliettes. Sans couverture médiatique, sa portée est nettement minimisée. À part quelques médias spécialisés comme BFM Business qui s’intéresse régulièrement à l’évolution de la délégation d’assurance emprunteur, le manque d’information nuit cruellement aux droits des consommateurs.
Rappelons toutefois que la banque a pour obligation d’informer chaque année son client emprunteur de sa faculté à substituer l’assurance bancaire par une offre externe à garanties au moins équivalentes.
Changer d’assurance de prêt : trop compliqué ?
La loi Lemoine est censée faciliter le changement de contrat en supprimant toute contrainte de date. Dans les dispositifs précédents (loi Hamon et amendement Bourquin), l’emprunteur était tenu de respecter une date butoir, les banques jouant sur cette contrainte pour dissuader l’opération.
Le changement de contrat reste toujours une démarche administrative fastidieuse à laquelle bon nombre d’emprunteurs rechignent après avoir durement décroché le financement de leur projet immobilier. La décision de la banque d’accepter une assurance déléguée est suspendue à l’équivalence de niveau de garanties, une condition sine qua non qui reste complexe à respecter pour un emprunteur non averti.
En tous points, le contrat alternatif doit présenter une couverture au moins équivalente à celle de l’assurance bancaire. On verra plus bas que les banques usent de stratagèmes pour que ce respect soit impossible à atteindre.
Pression exercée par les banques
Il est clair que le rapport de force est favorable aux banques. Ce sont elles qui distribuent des crédits à l’habitat. Un ménage emprunteur dont l’achat immobilier est souvent le projet d’une vie ne va pas mettre en péril la relation avec son banquier pour un produit qu’il a la possibilité de souscrire simplement en interne. Au-delà du chantage qui consiste à refuser un financement sans assurance groupe bancaire, la pression, pour ne pas dire la coercition du prêteur, continue de s’exercer en cours de remboursement.
Les banques opèrent des manœuvres de rétention pour empêcher leurs clients d’aller voir ailleurs :
- pratiques dilatoires : toute demande de changement d’assurance doit recevoir une réponse dans les 10 jours ouvrés. Ce délai va largement au-delà de 30 jours.
- demande indue de documents
- non-respect du contrat de mobilité confié au courtier en assurance de prêt
- refus pour non-équivalence de garanties : les banques conçoivent désormais des assurances de groupe packagées, assorties de garanties superflues pour l’emprunteur, ou d’une extension de la garantie ITT qui couvre les arrêts de travail jusqu’au solde du crédit. Les alternatifs ne peuvent s’aligner ni en termes de tarifs ni de garanties, car ils ne peuvent pas décemment proposer des prestations pour une couverture inexistante.
La seule option gagnante est de se faire accompagner par un courtier. Si l’entremise d’un expert ne garantit nullement l’accord de la banque d’un contrat délégué, elle maximise vos chances de réussir et de réduire significativement le coût de votre assurance de prêt immobilier.