Chaque année, le démarchage téléphonique fait l'objet d'une avalanche de plaintes de consommateurs, notamment dans le secteur des assurances, accusé en septembre dernier par un collectif d'associations d'entretenir "une relation commerciale irrémédiablement viciée".
Deux propositions de loi circulent d'ailleurs entre l'Assemblée Nationale et le Sénat visant à mieux réglementer la pratique. En attendant que le législateur statue, le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) vient d'émettre un avis sur les solutions à appliquer à court terme par les distributeurs de produits d'assurance.
Démarchage téléphonique ou harcèlement téléphonique ?
En 2020, il ne sera plus possible de souscrire par téléphone un contrat d'assurance non sollicité, ni même être relancé par les mêmes démarcheurs en assurance.
Les consommateurs ont fini par obtenir gain de cause. Le 10 septembre dernier, cinq associations de consommateurs (AFOC, CLCV, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et UNAF) interpellaient le gouvernement dans un communiqué commun, réclamant l'interdiction du démarchage téléphonique en matière d'assurance.
Cette montée au créneau fait suite à l'augmentation exponentielle ces cinq dernières années des plaintes pour démarchage téléphonique agressif. Les premières victimes sont les personnes âgées voire très âgées, qui constituent un réservoir de personnes vulnérables pour les démarcheurs téléphoniques malhonnêtes.
Ces associations visaient tout particulièrement le domaine des assurances, coutumier de cette pratique, qu'elles accusaient d'être responsable d'une envolée de plus de 70% des réclamations auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) depuis 2012.
Dans un communiqué diffusé courant octobre, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) appelait "certains acteurs du marché à corriger leurs pratiques en matière de vente de contrats d'assurance par voie de démarchage téléphonique, afin de préserver les intérêts des personnes sollicitées", les enjoignant à respecter leur obligation d'information et leur devoir de conseil.
Ce n'était pas la première fois que l'ACPR ciblait des pratiques indélicates, mais jusqu'à présent les mises en garde de l'organe de supervision de la banque et des assurances n'étaient pas suivies d'effets probants.
Démarchage téléphonique : la vente en un temps proscrite
Le CCSF a donc été saisi pour mettre en place un dispositif transitoire le temps que le Parlement se mette d’accord sur un texte de loi.
Après discussions entre les différentes parties prenantes (distributeurs d'assurances, courtiers et associations de consommateurs), un large consensus a émergé pour mettre fin à la « vente en un temps », c'est-à-dire dès le premier démarchage téléphonique.
Les professionnels de l'assurance se sont engagés à mettre en application, au plus tard à la fin du premier semestre 2020, les bonnes pratiques recommandées par le CCSF :
- en cas d'appel à froid, c'est-à-dire d'appel téléphonique à visée commerciale non sollicité, le distributeur s'engage à ne pas rappeler la personne contactée, si cette dernière ne manifeste aucun intérêt pour le produit présenté ;
- le processus de vente par téléphone ne peut être activé qu'à l'initiative du client potentiel après obtention de son consentement ;
- le recueil du consentement doit être établi par écrit ;
- la transmission d'un code reçu par SMS ou la répétition d’une phrase par oral au distributeur ne vaut ni consentement ni signature ;
- le consommateur doit recevoir les documents précontractuels et disposer d'un délai minimal de 24 heures avant la programmation d'un nouvel entretien téléphonique ;
Si la personne démarchée souscrit le contrat proposé, le distributeur doit lui envoyer « une lettre de bienvenue » prévoyant entre autres la faculté de rétractation par courrier électronique.
Cette lettre permettra d’alerter les clients d’une éventuelle souscription à leur insu et de l’existence du droit de renonciation et de ses modalités.
La personne pourra ainsi se dédire rapidement par simple courrier électronique au lieu d’envoyer une lettre recommandée comme l’imposent généralement les professionnels.
Ces derniers ne pourront en outre proposer de produit d'assurance pour un risque déjà assuré dès lors que le particulier n'a pas la possibilité de résilier le premier contrat.
Les cinq associations à l'origine de ce mouvement visant un renforcement de la protection des consommateurs dans le cadre du démarchage par téléphone se félicitent dans un communiqué commun "de ce premier pas en direction d'un arrêt rapide et pérenne des pratiques frauduleuses", sans pour autant renoncer à leur but affiché, l'interdiction du démarchage téléphonique en assurance.
De son côté, Planète CSCA, le seul et unique syndicat représentatif du courtage d’assurances en France (2 000 adhérents soit les trois quarts des entreprises du secteur), se range à l'avis du CCSF et considère que le délai pour s'y conformer "constitue un horizon de temps raisonnable".
Le seul bémol émane de l'Association française des Sociétés Financières (ASF) pour qui l'avis du CCSF "va au-delà des pratiques abusives d'une minorité d'acteurs".